Dépôt à neige. présentée à la Galerie Praxis, Sainte-Thérèse, Canada.

Blanc de blanc

L’hiver 2008 a été blanc, historiquement blanc. Les records de précipitation ont été ensevelis sous les chutes de neige. Les lieux de dépôt ont affiché complets partout dans la province. Les paysages monochromes ont atteint des seuils démocratiques inégalés. La spéculation météorologique a même entraîné une pénurie de chasse-neige dans la municipalité de Sainte-Thérèse, la ville où a pourtant prospéré Monsieur Arthur Sicard, l’inventeur de la souffleuse. Donnant suite à ces observations, Patrick Bérubé a réalisé au centre Praxis une série d’interventions élaborées en réaction au climat, un sujet qui alimente quotidiennement de nombreuses discussions au Nord du 45e parallèle.

En vue de développer un singulier Dépôt à neige, l’artiste prend appui sur les éléments perturbateurs de l’hiver ainsi que sur les petites et grandes détresses humaines qu’il engendre annuellement et tente de dégager, avec humour et ironie, les dynamiques de leurs charges poétiques et dramatiques. Ce projet découle d’une invitation à réaliser une installation inspirée par la communauté et le territoire de la Ville de Sainte-Thérèse. Il faut préciser qu’une telle mise en situation s’inscrit parfaitement dans la démarche de Patrick Bérubé. Être perméable est une attitude qui caractérise sa pratique, c’est-à-dire être à l’écoute des lieux investis et saisir ce qui les particularise afin de réaliser des interventions qui génèrent des transferts poétiques et ludiques déroutant les références généralement associées au lieu et à ce que l’on qualifie d’habituel.

Faire de l’ordre

Dans le cadre de ce projet, les placards du centre ont premièrement été investis, soit les deux principaux lieux employés pour entreposer, classer, remiser ou faire dormir divers objets. Cette investigation des espaces privés du bâtiment s’est avérée un important remue-ménage dans le cadre duquel la thématique de l’embarras et du débarras a été abordée. Au résultat, dans les placards « ouverts » au public, des mises en scènes insolites étaient données à voir. Les objets employés, notamment des accessoires de peinture, de nettoyage et de classement, semblaient avoir participé à un étrange comité de sélection. Ceux-ci avaient été disposés comme des éléments plastiques prenant part à un projet d’entreposition visuelle. C’est-à-dire que les placards nous étaient exposés comme des espaces plastiques et composés, l’artiste ayant pris soin de réfléchir aux pleins et aux vides, aux couleurs, aux objets à empiler, à disposer, à agencer ou à dissimuler.

Faire de la neige

Depuis la fenêtre de Praxis donnant sur la rue, une fine neige artificielle était ponctuellement soufflée sur la tête des passants, souvent éberlués par ces averses isolées. Dès qu’un visiteur empruntait le corridor menant aux locaux du centre, un mécanisme se déclenchait, entraînant une tempête de neige simulée dans un puit de lumière. Dans l’espace d’exposition, quelques flocons illusoires étaient précieusement déposés sur un socle, symbole de leur spéculation, auprès d’une lettre encadrée, provenant du Secteur des travaux publics de la Ville. Cet avis, qui anticipait la saison hivernale et informait les résidents des opérations de déblaiement à venir, semblait désigné comme prétexte métaphorique à l’intrusion d’une souffleuse ouvrant la voie dans une pièce de rangement, où des balais et divers contenants de peinture étaient capturés à même un banc de neige. L’éclairage orange et bleu diffusé par un néon no vacancy placé bien à vu engendrait une ambiance surréaliste dans la pièce d’entreposage investie.

Les différents dispositifs mis en place par Patrick Bérubé dans le cadre du projet Dépôt à neige ont ainsi fait appel aux dimensions ludique, métaphorique et plastique du vocabulaire hivernal. Accordant autant d’importance au processus, dans ce cas-ci au comment déstabiliser les lieux, qu’à l’installation comme proposition plastique, ce dernier est parvenu à aménager des situations paradoxales en vue de dérouter temporairement les rapports sociaux qui ont cours dans l’édifice du 34, rue Blainville Ouest.

Auteur(s) : Marie-Eve Beaupré