Dispositif Incertain: refuge ou prison? présentée au Centre d’Exposition Circa, Montréal, Canada.

20 x 32 x 10 pieds

Nous vivons dans un monde où nous sommes tous effrayé, où nous nous sentons seul et la meilleure protection que nous ayons trouvé est de tenter de tout prévoir et de tout contrôler. Esclave de nos peurs, de nos incertitudes, de nos attentes, je questionne notre constante recherche de contrôle, de sécurité et de confort. Je crois que ce qui effraie le plus ce n’est pas le présent et la réalité, mais ce qu’on imagine qu’ils cachent, c’est d’imaginer ce qui vient après (l’anticipation). « Le fou peut s’habituer à son asile, le prisonnier à sa cellule, l’enfant martyre à son placard – et les regretter quand ils les quittent.»

Partant de l’idée que tout visible peut comporter un côté «caché», l’installation que je propose est une oeuvre participative où le spectateur est physiquement amené à découvrir un lieu décomposé en différentes parties. À la fois irréelle et matérielle, la construction de l’espace offre au promeneur différents espaces, lui suggérant de vrais et de fausses ouvertures. Cette fragmentation du lieu veut non seulement augmenter la surprise et l’inquiétude, mais également en pointer les pièges qu’elle sous-tend. L’ambiguïté du lieu, où s’inscrivent les indices de l’oeuvre, permet de déjouer les attentes du spectateur.

Cette installation in situ joue à la fois sur l’éclatement physique des limites de la galerie que sur les limites psychologiques et physiques du visiteur. D’abord, on a l’impression d’une salle d’exposition vide à l’exception d’un escalier qui pointe vers une porte surélevée et d’une photographie d’un individu qui semble se cacher. D’emblée, l’espace peut paraître rassurant, mais peut également être très angoissant. Nous pouvons alors nous demander si ce lieu est habité par un individu qui se cache et s’isole pour fuir ou pour attaquer, ou encore s’il s’est échappé? Proie ou prédateur? Le dispositif pousse donc le spectateur à se laisser aller à sa curiosité et à gravir les marches pour découvrir ce qui se cache derrière cette fameuse porte.

Dispositif incertain: refuge ou prison? révèle autant qu’il dissimule, il protège, mais isole également. Paradoxalement, cette aliénation permet de déclencher un désir ou un doute chez le spectateur et, par le fait même, de créer un manque. Cette installation agit donc symboliquement comme protection, mais emprisonne également. Par exemple, l’art peut être un refuge, mais comme tout refuge, peut devenir une prison. C’est-à-dire que j’essais de recrée des expériences et des situations qui laissent peu de choix, de latitude et de possibilités d’agir ou de réagir ; des réalités plus ou moins maîtrisables, remplient de contradictions et de contrariétés. Le but est d’activer chez le spectateur des prises de conscience, comme par exemple, de l’amener à interroger ses comportements et ses réactions face à une menace ou une interdiction. Ce n’est pas l’innocence ou la candeur que je veux souligner, mais notre fragilité notre incertitude face à diverses situations d’impuissances. Que ce soit par son côté tragique ou son absurdité, cette installation est une perception du désir et de l’envie, jouant ainsi sur la déception et l’impuissance du spectateur. Celui-ci est donc prisonnier de ses propres anticipations et de ses attentes.

Dispositif incertain: refuge ou prison? comme plusieurs autres de mes œuvres « usent de subterfuges et de recoins pour forcer l’appréhension d’un espace qui se découvre graduellement par détours. Bien que le dispositif semble offrir des ouvertures, les attentes demeurent frustrées et les réalités inaccessibles. Ce projet réside dans cette constante contradiction entre le palpable et l’immatériel, entre le saugrenu et le banal. »

1 Robert Merle (1999). Extrait de Madrapour. Seuil.
2 Pierre Hebey (1997). Extrait de Deux amis de toujours. Gallimard.
3 Mary-Pierre Belzile (2006). Différents extraits tirés de «L’envers du cube blanc», Revue Esse – arts + opinions, no. 57, p.60-61.

Consulter l’article du Voir (26 octobre 2006) : L’envers du décors – Nicolas Mavrikakis